Face au réchauffement climatique, la plupart des scénarios de transition évoqués reposent sur l’éolien et le photovoltaïque. Et pour le transport, sur les véhicules électriques à batterie (BEV), sauf pour les véhicules lourds, l’aviation commerciale et le transport maritime, qui imposent des technologies reposant notamment sur l’hydrogène, les électro-carburants ou l’ammoniac, au prix d’un rendement plus faible (environ 30 % de pertes lors de la production d’hydrogène par électrolyse, et 50 % pour les piles à combustible).
Ce problème de rendement de la filière hydrogène a mené une majorité d’acteurs à privilégier les BEV, et à rejeter la solution des véhicules à pile à combustible (FCEV) ou à moteur thermique à hydrogène (HICEV). Par ailleurs, l’Union européenne interdit la vente de véhicules neufs émettant du CO2 à partir de 2035. Une conséquence est que dans un proche avenir, les seuls véhicules légers ou utilitaires produits seront quasi exclusivement des BEV.
D’un point de vue africain, cette prospective met en évidence une problématique décrite par la notion d’uniformités cindyniques. Historiquement, les Cindyniques ont modélisé les dissonances comme les différences entre acteurs qui sont des facteurs de vulnérabilité. La problématique de l’uniformité en tant que source de danger mène à étendre la modélisation des différences entre acteurs, en décrivant les uniformités cindyniques comme les absences de différences entre acteurs qui sont des facteurs de vulnérabilité.
Dans le cas de la transition énergétique en Afrique, l’uniformité cindynique redoutée résulte d’une prospective tout lithium ne laissant pas de place aux véhicules à hydrogène, et issue de pays du nord n’ayant sans doute pas une perception réaliste du continent africain, ou considérant le marché africain comme négligeable.
L’Afrique dispose notamment d’un ensoleillement1 permettant le développement d’une filière photovoltaïque dans des conditions bien plus avantageuses que celles de l’Europe : cela permet la production d’hydrogène vert à bas coût, ce qui a pu attirer des investisseurs européens souhaitant importer cet hydrogène. Cela étant, cette posture est critiquée, certains acteurs remarquant qu’utiliser l’électricité photovoltaïque africaine pour exporter de l’hydrogène alors qu’une part importante des populations n’a pas encore accès à l’électricité n’est pas une idée acceptable2 .
En revanche, le problème du réseau électrique du continent, quand il existe, ne semble pas perçu dans les pays du nord : à l'exception de quelques pays comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Corée du Nord, Haïti, le Yémen, l'Afghanistan ou la Syrie, tous les problèmes d'accès à l'électricité sont concentrés en Afrique (Figure 1). Une part importante des populations africaines n’a pas accès à l’électricité3 et pour les citadins y ayant accès, les tarifs sont élevés et les coupures fréquentes. Il y a quelques semaines, Lomé subissait encore des coupures un jour sur deux toute la matinée ou tout l’après-midi, alors que les tarifs ne cessent d’augmenter.
Cette situation interdit l’usage des BEV, et à supposer que la production locale d’électricité, par exemple photovoltaïque, augmente significativement, il resterait à développer le réseau électrique pour atteindre l’ensemble des populations. À l’échelle de ce continent, cela représente des efforts et des investissements gigantesques, ce qui rend irréaliste le développement d’un réseau compatible avec une généralisation des BEV d’ici 2050. Par comparaison, l’Allemagne, qui fait environ 360000 km² a déjà du mal à moderniser son réseau existant pour acheminer l’électricité renouvelable produite majoritairement au nord vers le sud de son territoire : le continent africain, dont le réseau est embryonnaire, fait 30 millions de km².
Sauf à vouloir priver l’Afrique de transports, la prospective uniformisant l’usage des BEV n’est pas réaliste. En Afrique, la filière hydrogène semble la seule solution envisageable, même avec les pertes de rendement associées : l’Afrique peut développer une filière hydrogène performante, à bas coût, et l’hydrogène peut être transporté vers les stations services existantes. Si les véhicules à hydrogène sont depuis un moment décriés, les opinions commencent à évoluer : les constructeurs japonais ont déjà produit un moteur thermique à hydrogène (HICE) et le Japon développe une filière hydrogène nucléaire (red hydrogen).
Ce que recommande l'IEA pour atteindre l'obectif Net Zéro4 : "En 2050, les voitures en circulation dans le monde entier fonctionnent à l'électricité ou à l'aide de piles à combustible. Les carburants à faibles émissions sont essentiels lorsque les besoins énergétiques ne peuvent pas être facilement ou économiquement satisfaits par l'électricité". Cette nécessité suggère un renforcement significatif des politiques de développement de la filière hydrogène, que celui-ci soit rouge, rose, ou vert.
https://unctad.org/publication/commodities-glance-special-issue-access-energy-sub-saharan-africa