La construction des représentations, et donc ses acteurs, notamment médiatiques, doivent être pris en compte dans les démarches de mise en œuvre de l'agenda 2030. C'est ce que suggère l'approche cindynique du second ordre, qui partage plusieurs concepts avec le développement durable, et offre une méthode opérationnelle permettant des gains d'efficience opérationnelle aux acteurs poursuivant des objectifs de l'agenda 2030.
Quatre des cinq piliers de l'agenda sont partagés : les piliers population et planète correspondent à la prévention des risques humains et environnementaux et à la réduction des vulnérabilités, le pilier prospérité correspond à la réduction des frictions et des conflictualités, qui concerne tant les problèmes d'efficience de la prévention que d'efficience du développement, et le pilier paix correspond à la réduction des conflictualités et des divergences.
Schématiquement, la méthode cindynique sert initialement à la réduction des vulnérabilités, c'est à dire à forger des résiliences par la réduction des lacunes et dissonances des acteurs. Puis les Cindyniques du second ordre ont spécifiquement pris en compte les conflictualités des situations, par deux évolutions conceptuelles : la relativisation des situations, de leurs perceptions, et des estimations de leurs évolutions nécessaires, et la généralisation de la notion de transformation. Cette généralisation permet donc de prendre en compte les transformations nécessaires à la prévention, au développement, et à la prévention ou réduction des conflits.
Les modélisations du second ordre font émerger la notion de conflictualité, qui est vue comme un continuum, est s'avère centrale : elle est en effet responsable tant des conflits au sens classique, que des phénomènes de friction qui minent l'efficience des actions de développement et des actions de prévention.
L'ONU est arrivée en pratique à la même conclusion dans son rapport 2018 sur les Objectifs du Développement Durable (ODD), qui mentionnait que les conflits remettaient en question les efforts pour atteindre les ODD. Et précisément, l'ODD 16 vise la réduction des conflits, ainsi que l'accès à la justice et le renforcement des institutions. De façon étonnante, cet objectif a pourtant failli ne pas faire partie de l'agenda 2030: il n'existait pas de consensus entre acteurs quant à la prise en compte spécifique des problématiques de paix, de sécurité et de gouvernance1 , et le sommet Rio+20 est d'ailleurs parfois considéré comme un échec2 .
L'approche cindynique des complexes risque-conflit-développement et de l'agenda 2030 s'appuie en grande partie sur les actions de réduction des conflictualités, qui sont fonction des divergences de prospectives des acteurs, et de leurs disparités de perceptions. Sachant que la plupart du temps la majorité des divergences entre acteurs repose au départ sur leur disparités de perception du réel, et que ces perceptions sont le plus souvent indirectes, et reposent sur des représentations, par exemple médiatiques, le rôle des constructeurs de ces représentations est donc crucial.
Cela suggère donc que ces acteurs, qu'ils soient auteurs, journalistes, journalistes citoyens, blogueurs, ont un rôle important à jouer dans la réduction des conflictualités. Et ce de deux façons : d'une part de façon négative, en veillant à lutter contre les constructions créatrices de conflits. Exemples: radio mille collines en 1994, ou, à la même époque, les publications de CNN s'opposant à une intervention de l'ONU au Rwanda. Plus récemment, les interventions de Vincent Duclert dans la presse, faisant de fait l'apologie des groupes armés en vantant la légitimité politique du FPR, alors que Paul Kagamé est le premier à reconnaître qu'il n'aurait jamais pu prendre le pouvoir au Rwanda par des élections. D'autre part de façon positive, en promouvant massivement la diffusion d'une culture de la déconflictualisation.
Mais ces efforts des créateurs de contenus nécessiteront aussi de minimiser les risques qui pèsent sur eux : d'une part les risques relatifs à la confidentialité, comme le droit au pseudonymat ou le respect du secret des sources et des échanges téléphoniques, et d'autre part la protection de leur liberté d'expression, menacée par l'absence de prohibition de la censure des Big Tech et le concept d'auto-régulation, ou même par le chilling effect induit par les politiques interdisant le pseudonymat, par exemple la real name policy imposée par Facebook.
BLIND, Peride K. A post-SDG Summit governance primer: interlinking the institutional, peace and justice dimensions of SDG16 (2016–2019). United Nations, Department of Economic and Social Affairs, 18 mai 2020.
https://www.un.org/en/desa/post-sdg-summit-governance-primer-interlinking-institutional-peace-and-justice
DE ANDRADE CORREA, Fabiano. The Rio+20 Conference and International Law: towards a multi-layered multilateralism? Archiv des Völkerrechts. 2012, Vol. 50, no 4, p. 500. DOI 10.1628/000389212805292072