En Août dernier, Joe Biden ordonnait unilatéralement le retrait des troupes états-uniennes d'Afghanistan, suscitant des doutes sur la capacité de ses services à anticiper l'évolution de la situation. La rapidité de la prise de pouvoir par les Talibans a provoqué des scènes de chaos en raison de l'insuffisance des moyens d'évacuation des afghans souhaitant échapper à la répression talibane. Certains médias ont alors étrangement loué Facebook pour sa décision de proposer la possibilité de verrouiller leurs comptes.
Facebook a alors été présenté comme venant en aide aux afghans pour protéger leurs comptes. Ce qui est surprenant dans la mesure où c'est bien Facebook au départ qui a mis la vie de ces afghans en danger : mimétisme ou inculture, pratiquement aucun article n'a mentionné la politique de prohibition du pseudonymat imposée unilatéralement par Facebook à ses milliards d'utilisateurs, alors même que cette politique est dénoncée depuis une dizaine d'années.
Ce que la débâcle états-unienne a mis en évidence en Afghanistan, c'est que la politique de Facebook met en danger la vie de certains utilisateurs, et qu'à ce jour, aucune législation n'a interdit à cette Big Tech d'imposer des règles qui peuvent menacer la vie de ses utilisateurs.
C'est par exemple le cas en France, où l'affaire Mila a mené le gouvernement français à prendre conscience du risque vital généré par l'identification des utilisateurs de réseaux sociaux. Menacée de mort sur les réseaux sociaux, où elle a été identifiée et localisée, cette adolescente ne peut plus se rendre à son école, et vit désormais sous protection policière.
Marlène Schiappa, la Ministre française chargée de la citoyenneté a notamment réagi à cette affaire en affirmant la nécessité que chacun puisse s'exprimer avec un pseudonyme sur les réseaux sociaux. La ministre regrette ainsi que les auteurs de ces menaces ne puissent être identifiés à cause de l'utilisation des VPN. Le problème est que ce raisonnement est basé sur une logique de répression, alors que si au départ la loi interdisait la prohibition du pseudonymat par les Big Tech, les utilisateurs ne seraient pas en danger. Quoi qu'il en soit, dix mois après le constat de la Ministre française, si le risque a été identifié, le législateur n'a pris aucune mesure permettant de garantir le droit au pseudonymat en France.
Les journalistes sont les premiers menacés par la prohibition du pseudonymat voulue par la sœur de Mark Zuckerberg. Cette politique est pourtant manifestement dangereuse notamment en Afrique, où la vie des journalistes peut-être menacée : En République centrafricaine, trois journalistes russes ont été exécutés sur une piste lors d'un reportage sur les actions de la nébuleuse Prigogine et des mercenaires de Wagner en Centrafrique. A ce jour, les auteurs de ces meurtres n'ont pas été inquiétés. Plus récemment à Komanda, dans l'est de la RDC, c'est la maison d'un journaliste travaillant pour la radio Tuendelee et pour bunia-info24.com qui a été incendiée par les ADF, qui sont la branche Afrique centrale de Daesh.
Alors que Facebook exploite commercialement les échanges d'idées et d'informations entre des milliards d'individus partout dans le monde, soit ses responsables n'ont pas pris la peine de s'intéresser aux situations réelles des utilisateurs dans de nombreux pays, ce qui constitue un déficit épistémique, soit ils l'ont fait mais n'en ont pas tenu compte, ce qui constitue une dégénérescence téléologique et un déficit éthique.
Par ailleurs, le refus du pseudonymat a une autre conséquence : le chilling effect, puisque les utilisateurs conscients du risque préféreront s'abstenir de s'exprimer. La politique de Facebook porte donc atteinte à la liberté d'expression, ce qui illustre le phénomène de transduction des risques.
Quoi qu'il en soit, la nature et l'étendue de ces risques suggère la nécessité d'une intervention globale des législateurs de façon à interdire à Facebook en particulier, et aux Big Tech en général, la mise en oeuvre de politiques de prohibition du pseudonymat.
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