Depuis le début des années 90, les concepts cindyniques ont émergé et se sont constitués progressivement. Le vocabulaire cindynique a aussi évolué, ce qui peut parfois prêter à confusion si l'on ne fait pas attention à la date de publication des documents décrivant ces concepts. Une brève chronologie résumant ces évolutions permet d'éviter ces pièges
En 1992, un des axiomes cindyniques pose que la mesure du risque est marquée par des ambigüités sur les objectifs, sur les modèles technologiques, et sur les données statistiques1 : cet axiome donne naissance à un premier espace à trois dimensions.
Fin 1993, cet axiome d'ambigüité est étendu aux ambigüités sur les règles du jeu entre acteurs, et sur leurs système de valeurs2 : ces cinq dimensions (modèles, données, finalités, règles et valeurs) forment l'hyperespace du danger (où 'hyper' signifie simplement que c'est un espace de dimension supérieure à 3). Les hyperespaces sont caractérisés par des lacunes, disjonctions et dysfonctionnements permettant de produire une liste de Déficits Systémiques Cindynogènes. La notion de situation est alors définie comme un ensemble de réseaux à l'intérieur d'un ensemble d'horizons d'espace et de temps. Chaque réseau est décrit par son hyperespace.
En 1995 les dissonances sont définies comme l'écart entre une situation initiale et une situation transformée. La prévention consiste en une transformation intentionnelle permettant de réduire ces dissonances3 , qui sont les facteurs du potentiel cindynique de la situation. Si ce potentiel dépasse un seuil, la probabilité de catastrophe est très élevée.
Cette même année, Georges-Yves Kervern publie Éléments fondamentaux des Cindyniques4 : Il introduit la notion d'hyperespace idéal. Les dissonances sont décrites comme la différence entre l'hyperespace d'un réseau d'acteurs, et l'hyperespace qui devrait le caractériser dans l'idéal. Par ailleurs, Georges-Yves Kervern appelle alors aussi dissonances les écarts cindynogènes entre les hyperespaces de deux réseaux d'acteurs différents. Ces écarts augmentent le potentiel cindynique.
En 19975 , le terme dissonances est réservé pour les écarts entre les hyperespaces des réseaux d'acteurs. Le potentiel cindynique est fonction des déficits et des dissonances: ce potentiel est rapproché du concept de propension proposé par Karl Popper, et exprime la vraisemblance de l'imminence d'une catastrophe ou d'un accident.
En 19996 , les déficits sont définis comme l'écart entre l'hyperespace d'un réseau d'acteurs et ce qu'il doit devenir à l'issue d'une campagne de prévention. La réduction des déficits et dissonances abaisse le potentiel cindynique en dessous d'un seuil de concrétisation d'un péril inhérent à une situation.
En 20047 la vulnérabilité est décrite comme la propension de la situation, caractérisant son potentiel d'évolution, et les dissonances entre réseaux d'acteurs sont considérées comme résultant de leurs divergences.
En 2005, dans un article consacré à l'utilisation de la théorie de la description8 développée par Mioara Mugur-Schächter, Georges-Yves Kervern décrit trois types de méta-descriptions : les écarts à la situation idéale constitués par les écarts entre hyperespace réel et idéal, qui définissent les déficits, les écarts entre hyperespaces de deux réseaux d'acteurs en divergence ou en conflit, qui définissent les dissonances, et les écarts entre une situation à un instant donné, et cette même situation à un instant ultérieure. Cette métadescription est l'outil descriptif de la cinydnamique, utile pour conceptualiser la gestion de crise. Par ailleurs ces méta-descriptions permettent la définition formelle de la vulnérabilité et de la résilience d'une situation: la vulnérabilité, fonction des déficits et dissonances, est la propension à engendrer des incidents, accidents, catastrophes ou événements non souhaités, et la résilience est la capacité de cette situation à résister à cette propension: la résilience est l'inverse de la vulnérabilité.
Le vocabulaire des Cindyniques du premier ordre a donc évolué: les écarts entre acteur réel et acteur idéal, initialement appelés dissonances sont désormais appelés déficits, et les dissonances décrivent maintenant les écarts entre deux acteurs en conflit ou ayant des divergences. Ces divergences sont par ailleurs différentes du concept de divergences introduit par les Cindyniques du second ordre: au second ordre, les situations sont relatives aux acteurs, et les divergences représentent les écarts entre les différentes situations idéales souhaitées par différents acteurs.
Enfin, de la notion de potentiel à la notion de vulnérabilité, il a toujours été considéré un potentiel d'évolution des situations vers les accidents ou catastrophes, ou événements non souhaités, avec pour conséquence que toute situation où des événements non souhaités ou des dommages ont lieu était initialement vulnérable. Et la résilience étant l'inverse de la vulnérabilité, toute situation connaissant des dommages est une situation qui n'était pas résiliente: le but des Cindyniques n'est pas de s'adapter à un dommage, mais d'éviter les dommages, et le concept cindynique de résilience n'a jamais pu être interprété comme permettant de justifier le darwinisme social.