Si les opérations informationnelles russes à Bangui passent par Facebook, ou par de la propagande scolaire, les radios et la presse sont aussi manipulées: ces procédés sont décrits dans un rapport de Saber Jendoubi qui a passé trois ans en Centrafrique en tant que correspondant de guerre, et a recueilli de nombreux témoignages de journalistes centrafricains.

Dans un contexte de guerre civile, la situation à Bangui est marquée par le développement de la présence russe en 2017 d'une part, et la vulnérabilité des médias d'autre part : à Bangui, un journaliste gagne entre 20000 CFA (30 €) et 100000 CFA (150 €) par mois, et un pigiste 25000 CFA par mois. Deux acteurs exploitent cette vulnérabilité:  le conseiller sécurité du Président, Valery Zakharov, ex-KGB (et deux spin doctors : Vasily Alexandrov et Stanislav Skopylatov, tous deux natifs de Saint-Pétersbourg), et la nébuleuse d'Eugène Prigogine (dans ce cas : la société minière Lobaye Invest, et les mercenaires du Groupe Wagner).

Lobaye Invest -qui s'est notoirement illustrée en finançant un dessin animé ciblant les écoliers centrafricains- finance la radio Lengo Songo et d'autres médias. Saber Jendoubi révèle que les équipes de Zakahrov et de l'ambassade de Russie ont aussi proposé de l'aide à des journalistes et blogueurs : certains ont accepté, et l'un d'entre eux affirme qu'en 2018 ce sont ces équipes qui ont rédigé tous ses articles. De plus les journalistes sont aussi payés lorsqu'ils rédigent des articles pro-russes ou anti-français. Ces articles ont été relayés par des radios, et la radio d'Etat  a notamment retransmis de façon persistante ces contenus anti-français

La situation de certains journalistes s'assombrit en juillet 2018, avec l'assassinat de trois journalistes russes qui enquêtaient sur les activités des mercenaires russes en Centrafrique. Saber Jendoubi rapporte que les médias internationaux ont alors proposé de rémunérer des journalistes centrafricains pour enquêter sur ces meurtres : certains d'entre eux ont alors été surveillés et menacés. L'un deux affirme que la Primature lui aurait proposé 750000 CFA, qu'il aurait refusé, et qu'à la suite de ce refus sa famille aurait été contactée par la Présidence. D'autres ont été accusés d'être aux ordres de la France ou de l'opposition russe, et ont été menacés par des militaires.

Six mois plus tard, Reporters sans frontières constatait que l'enquête sur ces meurtres n'avait pas avancé, et lançait un appel en faveur d'une enquête internationale.

La situation des journalistes français en Centrafrique s'est aussi dégradée : pour Saber Jendoubi leurs relations avec Valery Zakharov avait commencé à s'envenimer à la suite de la publication d'articles le concernant, et se sont encore plus dégradées après le meurtre des journalistes russes. Valery Zakharov aurait ainsi invité deux journalistes à Berengo, lesquels ont été arrêtés à leur arrivée, accusés d'espionnage, et enfermés pendant huit heures à la gendarmerie locale. Par la suite, ils seront surveillés et menacés, ainsi que leurs sources et connaissances centrafricaines.